29/07/2008

Démocratie indirecte entre Suisse et Allemagne

Ouvrant le prestigieux supplément culturel de la NZZ du samedi / dimanche, 26/27 juillet, on lit une nouvelle chronique dans la série qui se propose de trouver une réponse à la question "Was ist schweizerisch?" - Les contributions publiées jusqu'à présent, signées par différentes personnalités étrangères et suisses, se démarquent en général par leur manque d'originalité, tant elles rebattent de vieilles idées, de préjugés immémoriaux, en dehors de tout effort d'analyse. On a donc la suprise agréable de lire cette chronique de Michael Hagner, professeur allemand au poly de Zurich, qui vaut la peine d'être citée et commentée :

"Bevor ich in Zürich lebte, war ich fest davon überzeugt, dass es in der Schweiz besonders langsam zugehe. Was für ein Irrtum. Ich habe es nie vorher erlebt, dass so schnell und effektiv reagiert wird wie hier. In Wahrheit geht die Schweiz mit den Zeitrhythmen sehr klug um: Es wird das Tempo herausgenommen, wenn man der Überzeugung ist, dass die Situation unübersichtlich oder ungemütlich werden könnte; und es wird beschleunigt, wenn es für angemessen gehalten wird.
Zweites Beispiel: Bevor ich in die Schweiz kam, dachte ich, dass die direkte Demokratie in diesem Land einhergehe mit einem direkten Umgang miteinander, dass Argumente ungeschönt auf den Tisch kämen, Konflikte offen ausgetragen würden. Weit gefehlt. Hier wird vieles gerade nicht bis zum völligen Stillstand aller Argumente ausdiskutiert, ist die mühselige Fortbewegung durch formelle Verfahren nicht unbedingt der Königsweg, um zu einem Konsens zu gelangen. Genau an diesem Punkt kommt es immer wieder vor, dass Deutsche und Schweizer schier aneinander verzweifeln. Schade eigentlich, denn hier wäre manches voneinander zu lernen."

Permettez-moi de m'avancer moi-même sur le terrain glissant d'une continuation de cette analyse : pour simplifier, on peut dire qu'aux yeux d'un Allemand moyen hypothétique, il manque de la franchise, de l'ouverture et de l'audace au Suisse caricatural qu'on vient de dessiner. Ce dernier, en revanche, pour reprendre encore un préjugé, trouvera son voisin du nord plutôt arrogant, envahissant ou irrespectueux, à cause de ses jugements tranchants, de son discours tranché et franc. Si jamais on voulait généraliser de telles différences dans l'idée qu'elles correspondraient à une réalité, on pourrait les expliquer facilement : la concordance et la collégialité qui dominent encore le système politique suisse et de nombreuses associations et organismes privés en Suisse font qu'il est en effet recommandé de garder un profil bas, de parler avec une excessive prudence, voire de ne rien dire du tout. Ce comportement a des causes pour ainsi dire physiques dans la structure de l'espace et de la société. - Ce sont ces causes extérieures - et non la mentalité ou l'identité essentielle et immuable des personnes - qui font la principale différence entre les deux pays : l'espace helvétique se présente sous une forme bien plus morcelée et désunie que l'Allemagne, qui sur une vaste étendue, permet la mobilité à un grand peuple dans un même espace culturel, économique et politique. Pour un Allemand, nul besoin d'éviter qu'un conflit paraisse au grand jour. On peut imaginer que dans ce pays de plus de 80 millions d'habitants distribué sur de nombreuses très grandes villes, il existe d'innombrables solutions alternatives pour un projet de vie, en cas de brouille définitive avec une institution ou un organisme. En Suisse, on est en général limité à des espaces exigus et peu perméables, séparés par des frontières linguistiques, culturelles et géographiques. L'offre dans les rares villes de la plaine - qu'on finit par résumer en deux ou trois agglomérations, à leur tour rattachées dans un même "espace Mittelland", est rarement comparable. Autrement dit, mieux vaut ne pas se faire d'ennemis, car dans de nombreux domaines, tout le monde se connaît : à l'intérieur d'organismes bien différents, on finit par retrouver les mêmes personnes. D'où se brouiller ouvertement d'un côté, c'est peut-être se brouiller partout. On devrait s'intéresser davantage aux Suisses non conformistes, on apprendrait beaucoup sur notre conformisme.

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